Dans «Pas tous égaux, les “petits partis”», j’avais posé la question à savoir si Citoyens au pouvoir, bien que relativement nouveau comme parti et ignoré par les sondeurs, n’était pas un parti à surveiller. En vérifiant l’état des candidatures officialisées hier, j’ai conclu que oui: il a dépassé non seulement le NPD Québec, mais aussi le Parti marxiste-léniniste en termes de nombre de candidatures authentifiées.
Voyons l’état actuel des forces en présence, selon l’ancienne classification.
Voyez comme Citoyens au pouvoir dépasse les deux «petits partis» historiques tant sur le plan du financement que des candidatures? En plus de ces 21 candidatures officialisées, Citoyens au pouvoir en annonce 45 autres sur son site Web. Il reste à savoir si ces aspirants candidats et candidates réussiront cette semaine à ramasser 100 signatures de leurs concitoyens et concitoyennes.
J’ai donc officiellement déplacé le parti dans la catégorie «Partis à surveiller».
Qu’est-ce que le parti Citoyens au pouvoir?
Les partis que surveillent déjà les sondeurs ont tous des équivalents fédéraux (le Parti vert, le Parti conservateur et le NPD). Ainsi, même si les médias nationaux n’en parlent pas en cette campagne provinciale, les personnes qui suivent la politique ont une idée générale d’où se situent ces partis sur l’échiquier politique.
Il serait donc d’autant plus important que les médias nationaux présentent minimalement Citoyens au pouvoir, dont on ne sait autrement rien.
J’ai fait une petite revue de presse à l’aide de Google.
Entrevues journalistiques avec trois candidats et deux candidates
J’ai trouvé cinq articles dans des médias de masse présentant trois candidats et deux candidates:
- Denis Paré dans Deux-Montagnes;
- Jacques Gosselin dans Laviolette-Saint-Maurice;
- Jean-François Racine dans Marguerite-Bourgeoys (qui comprend LaSalle, à Montréal);
- Manon Gamache dans Brome-Missisquoi;
- Nicole Goulet dans Beauce-Nord.
Du lot, seuls Denis Paré et Nicole Goulet avaient remis leur bulletin de candidature au DGEQ lundi matin. Reprenant un argument déjà utilisé par Québec solidaire, elle explique: «On ne divise pas le vote, on offre une différence. Notre clientèle cible, ce sont les 1 700 000 abstentions qui ne trouvent pas leur compte.»
En entrevue au début du mois de septembre, Manon Gamache, directrice générale adjointe du parti, estime qu’il sera en mesure «de présenter plus de 60 candidats, […] un bond de géant depuis la dernière élection». Au moment de l’annonce de la candidature de Denis Paré en juillet, le chef du parti, Stéphane Blais, visait plutôt 125 candidatures et «entre 6,5% et 7% des votes dans l’ensemble du Québec, comme l’avait fait la défunte Action démocratique du Québec (ADQ) à ses débuts».
Jacques Gosselin est vice-président de l’équipe exécutive du Bloc québécois en Mauricie tandis que Jean-François Racine avait soumis sa candidature pour représenter la Coalition avenir Québec. (La CAQ a préféré présenter Vicky Michaud.)
Un candidat islamophobe écarté
Le 19 juin, le Sac de chips du Journal de Québec présentait des captures d’écran du babillard Facebook de Michel A. Fournier, le candidat de Citoyens au pouvoir du Québec dans Matane-Matapédia. La journaliste Marie-Renée Grondin résume: «Non seulement croit-il qu’“il faut tuer l’islamisme”, sans quoi “c’est lui qui nous tuera”, le candidat est aussi d’avis qu’il faudrait tenir un référendum pour “supprimer” toutes les mosquées au Québec.»
Le 3 août, L’Avantage de Rimouski rapportait que ce candidat islamophobe s’était désisté. D’après le site Web du parti, ce serait Jacques Langlois qui le remplacerait, mais la page Facebook du parti pour Matane-Matapédia indique qu’il est toujours à la recherche d’une candidature.
À l’origine: une Assemblée constituante
J’ai trouvé l’historique qui explique le plus clairement les changements de noms successifs du parti dans un billet de Xavier Camus:
À l’origine (2011-2012), la formation politique – cofondée par Roméo Bouchard – se nommait «La Coalition pour la Constituante», car on y préconisait une refonte totale du politique, par le biais d’une assemblée constituante. Puisqu’on y prêche aussi l’abandon de la notion de partis politiques et de la partisanerie sans fin, la formation prendra le nom de «Parti des sans parti» de 2013 à 2016, pour devenir [Citoyens au pouvoir] sous Rambo Gauthier.
En janvier 2017, Frank Malenfant, qui était chef du Parti des sans parti et est devenu co-porte-parole de Citoyens au pouvoir, a claqué la porte. Dans son message Facebook, il explique:
Les nouveaux arrivants aussi ont droit à la dignité et aux meilleures chances d’intégration possible pour devenir des membres productifs de notre société. Je me dissocie publiquement de tous propos allant à l’encontre de ces valeurs que je me suis promis de servir pour le parti, et qui sont aussi fondamentalement les miennes.
Il s’est joint à Option nationale au cours de l’année et suivi son nouveau parti dans la fusion avec Québec solidaire.
Départ de Rambo, arrivée de Stéphane Blais
En décembre 2017, le co-porte-parole restant, le syndicaliste Bernard «Rambo» Gauthier, a quitté ses fonctions au parti Citoyens au pouvoir pour se refaire une santé. (En tant que retraitée de la politique partisane, je le crois et le salue d’avoir respecté ses limites.)
Le mois suivant, le parti avait trouvé un nouveau dirigeant (remarquez le changement terminologique):
Janvier 2018, nomination de l’activiste et homme d’affaires Stéphane Blais, CPA, VP du mouvement intégrité Québec, à titre de chef par intérim du parti. Sous sa gouverne, le parti prévoit présenter 125 candidats aux élections à l’automne 2018 et solidifier ses finances en vue d’augmenter sa visibilité auprès du grand public.
En juillet, dans un entretien sur les ondes de la station FM93, dont les animateurs comprennent Éric Duhaime et le Doc Mailloux, Stéphane Blais expliquait, d’après le compte-rendu de journal Le Peuple, que son parti:
compte faire élire des «non-professionnels» de la politique et vise à prendre le pouvoir le temps d’un seul et unique mandat. L’idée centrale demeurant, depuis sa fondation jusqu’à nos jours, de permettre au peuple québécois de court-circuiter la machine électorale le temps de faire un grand ménage en ce qui concerne la gestion du bien commun.
Médias d’extrême droite
Le Peuple est produit par quatre «rédacteur[s] et vérificateur[s] de contenu» (au masculin). Pascal Bergeron, «fondateur et président actuel du journal», écrit également des articles islamophobes et transphobes pour Vigile.quebec.
Les articles de Le Peuple sont republiés sur le site de Horizon Québec Actuel, «un organisme à but non lucratif qui a pour objectif la diffusion de la langue française, le réseautage entre pays francophones et la défense du principe de souveraineté des États-Nations». Sur sa chaîne Nomos-TV, l’organisme a en avril 2017 appuyé Marine Le Pen, la candidate d’extrême droite à la présidentielle française.
La page Facebook de l’organisme a depuis été retirée par le géant des médias sociaux. Ce développement semble récent puisqu’à la mi-août Patrice-Hans Perrier a publié un article sur Le Peuple intitulé «La guillotine de la censure s’abat sur des têtes de patriotes». Il a été partagé sur le site de Horizon Québec Actuel sous le titre «Censure Facebook de HQA : interview au webzine Le Peuple».
Xavier Camus soulève des liens plus directs entre Citoyens au pouvoir et l’extrême droite dans deux billets de blogue parus à un an d’intervalle. Le premier a été publié lorsque Citoyens au pouvoir était sous la gouverne du porte-parole Bernard «Rambo» Gauthier. Le second fait état des changements de régime dans le cadre desquels l’équipe de Yvon Simard a été remplacée par celle de Stéphane Blais.
Un assemblage hétéroclite
Le parti Citoyens au pouvoir est donc un parti à surveiller dans plusieurs sens. Le chef de son ancêtre, le Parti des sans partis, est maintenant chez Québec solidaire. Certains candidats proviennent de la CAQ et du Bloc québécois. À partir des photos des candidatures sur le site Web, on note la présence d’au moins un candidat racisé: Jean Carrière dans Mirabel, dont la candidature n’est toutefois pas encore officialisée.
On se retrouve avec un assemblage donc bien hétéroclite de personnes qui promeuvent la démocratie directe à surveiller!