Réaction

L’électorat est encore très volatile à la veille du dernier débat

Vous l’avez sans doute déjà lu dans les médias: à la lumière des sondages Mainstreet et Léger de cette semaine, nous avons maintenant une vraie course.

Plutôt que chaque parti s’en tienne soigneusement à son couloir (CAQ dans le 1er, PLQ dans le 2e, PQ dans le 3e et QS dans le 4e), les deux meneurs zigzaguent entre les deux premiers couloirs et font monter la pression sanguine de Bryan Breguet à Too Close To Call:

Mon cauchemar (en tant que “projectionniste”): l’incertitude vient de passer de très faible à quasiment maximale. Pour preuve, les distributions aujourd’hui vs le 7 septembre

Source: Breguet, Bryan. Tweet. @2closetocall, 19 septembre 2018.

Les deux graphiques dans cette vidéo présentent à la verticale le nombre de simulations, sur 10000, qui donnent un certain nombre de sièges (sur l’axe horizontal) à chacun des trois principaux partis (différenciés par couleur).

Les courbes de distribution des sièges de la Coalition avenir Québec (mauve) et du Parti libéral du Québec (rouge) se chevauchent maintenant complètement. Deux semaines auparavant (deuxième graphique), elles étaient presque aussi distinctes l’une par rapport à l’autre qu’elles ne le sont par rapport à celle du Parti québécois (bleu).

Course serrée et électorat volatile

La course se resserre alors que l’électorat demeure très volatile. Commençons par jeter un coup d’œil à notre graphique habituel, mis à jour grâce au rapport du dernier sondage Léger:

Visiblement la volatilité de l’électorat fait du surplace. Toutefois, ça commence à être difficile de comparer avec les élections précédentes.

Ayant déjà établi que le choix définitif (barres bleues) était la donnée la plus significative (plutôt que «Probable que je change d’avis» en rouge), je me suis dit qu’on pourrait visualiser uniquement celle-là en «empilant» les campagnes électorales plutôt que de les mettre côte à côte.

Évolution de la volatilité durant la campagne

En modifiant le script que j’utilise dans R pour faire les graphiques d’intentions de vote avec barres d’erreur, voici ce que j’ai pu produire. On constate que l’électorat est plus volatile qu’il ne l’a jamais été à ce moment-ci dans une campagne électorale.

Volatilité de l'électorat au fil des campagnes électorales des 10 dernières années selon les sondages Léger

Sur l’axe vertical, on trouve la proportion de personnes sondées dont le choix est définitif parmi celles qui ont nommé un parti dans leurs intentions de vote (et donc excluant les personnes indécises). Plus un point est bas, donc, plus l’électorat est volatile (moins de personnes ont fait un choix qu’elles jugent définitif).

Les sondages de cette élection sont en saumon. Le premier sondage est donc particulièrement bas, mais nous n’avons pas de comparatif dans la précampagne durant les autres élections. En 2012 (vert) et en 2014 (turquoise), les premiers sondages de la campagne se sont terminés autour du jour du déclenchement (jour J – 35).

En 2014, la proportion de personnes qui avaient fait un choix définitif était définitivement plus élevée tandis que les marges d’erreur pour les valeurs au déclenchement en 2012 et en 2008 se chevauchent.

Le premier sondage qui mesurait la volatilité en 2008 (mauve) est apparu à trois semaines du scrutin. Elle était alors comparable à celle que Léger a mesuré la semaine dernière (à jour J – 21).

Au sondage suivant de 2008, toutefois, la proportion de personnes dont le choix était définitif avait confortablement dépassé la barre des 60% (à jour J – 15). Dix ans plus tard, nous sommes toujours solidement sous la barre des 60%.

Comme tout le monde le dit, le débat de demain soir (jeudi) risque d’être crucial, de même que l’enregistrement le lendemain (vendredi) de l’émission de Tout le monde en parle, qui sera diffusée dimanche soir.

Solidité du vote de chaque parti

La semaine dernière, j’avais noté une mauvaise nouvelle pour le Parti québécois (PQ): son électorat avait crû mais était plus volatile. Cette semaine, c’est au tour du Parti libéral du Québec (PLQ) et de la Coalition avenir Québec (CAQ) de voir la solidité de leur électorat baisser. Le PQ reprend à cet égard un peu du poil de la bête.

L’électorat de Québec solidaire (QS) est toujours le plus volatile des quatre partis représentés à l’Assemblée nationale. Toutefois, avec la baisse de la proportion de personnes qui ont fait un choix définitif parmi les personnes qui ont l’intention de voter pour la CAQ, le PLQ et le PQ, l’écart est beaucoup moins grand entre les trois plus grands partis et QS.

J’ai déjà hâte au prochain sondage de Léger, qui sera peut-être le dernier!

En effet, depuis les dix dernières années, Léger sort toujours un sondage la fin de semaine précédant le scrutin complété le jeudi précédant (jour J – 4). Le sondage d’hier a été complété au jour J – 14, un sondage est donc à prévoir dans 10 jours… pas certaine qu’il reste de la place pour un autre entre les deux!

Données sources

Vous pouvez consulter le tableur qui a permis de faire le graphique sur Google Spreadsheets.

 

 

Mise à jour

Un électorat péquiste en hausse, mais plus volatile

Mon Dieu qu’il était temps! Comme l’a dit sur Twitter Bryan Breguet, qui piaffait d’impatience:

Juste une observation générale mais quand il y a davantage de personnes/sites faisant des projections que de firmes offrant des sondages, c’est pas vraiment normal1.

C’est fait: ce matin, nous avons le rapport du dernier sondage mené par Léger du 7 au 10 septembre!

J’attends de mettre la main sur le rapport du sondage Mainstreet effectué du 5 au 7 septembre pour refaire le graphique des intentions de vote avant répartition des personnes indécises. (C’est fait!) Pour l’instant, je n’ai que l’article du Soleil, qui ne donne que les résultats après répartition.

Nous pouvons toutefois mettre à jour nos graphiques concernant la volatilité de l’électorat:

La volatilité de l’électorat est plutôt stable, avec la portion de l’électorat qui a fait un choix pour qui ce choix est définitif qui est passée en deux semaines de 56% à 58%.

Les résultats par parti choisi sont plus révélateurs:

Les intentions de vote pour le Parti québécois semblent en progression, avec une hausse de deux points de pourcentage en deux semaines (19% à 21% après répartition des personnes indécises). Toutefois, il est passé du parti à l’électorat le plus solide au deuxième plus incertain des quatre grands partis.

En effet, au sondage se terminant le 28 août, 64% des personnes qui disaient avoir l’intention de voter pour le PQ considéraient leur choix comme étant définitif. Au sondage qui s’est conclu hier, ce ne sont que 54% de l’électorat qui ont l’intention de voter PQ. Le parti de Jean-François Lisée est donc le seul qui a vu la volatilité de son électorat augmenter!

Est-ce donc le signe que des personnes qui hésitent entre le PQ et la CAQ disent maintenant qu’elles voteraient pour le PQ, mais qu’elles peuvent encore changer d’idée?

Pour ça, il va falloir aller fouiller dans les réponses à la question du deuxième choix… à suivre!

Données sources

Vous pouvez consulter le tableur qui a permis de faire les graphiques sur Google Spreadsheets.

Notes

Réaction

Volatilité et probabilité d’aller voter

Dans leur balado de juin, Philippe J. Fournier de Qc125 et Alec Castonguay de L’Actualité discutaient de Laurier-Dorion, la circonscription où j’habite (et où Martin a été responsable du pointage durant la campagne de 2012). C’est la circonscription montréalaise au sud de la Métropolitaine entre l’Acadie et Papineau. Elle réunit deux quartiers très différents, séparés par un chemin de fer: Parc-Extension à l’ouest et Villeray à l’est.

Parc-Extension, c’est la place où manger du poulet au beurre (plus de l’agneau korma pour moi) et regarder des joueurs de cricket beaucoup plus compétents que dans La Grande Séduction.

Villeray, c’est des cafés qui donnent le choix entre du lait de vache, d’amande ou de soya et des bouchers qui font affaire directement avec des fermiers locaux. Bref, c’est comme le Plateau dans l’imaginaire de ben des gens. (Le Plateau est très différent de Villeray, mais je vais garder mes guerres de clocher de montréalo-centriste pour les visites avec les cousins et cousines.)

Donc, comme le disaient les gars à la balado politique de L’Actualité, Laurier-Dorion est une circonscription que Québec solidaire pourrait ravir aux libéraux si suffisamment de gens dans Parc-Extension restent à la maison. Jusque là, on est d’accord. Là où j’ai tiqué, c’est quand ils ont contrasté le potentiel manque de motivation de l’électorat allophone acquis au PLQ de Parc-Extension avec la supposément immanquable motivation de l’électorat solidaire dans Villeray:

Les partisans de Québec solidaire, là, ils ne restent pas à la maison. Quand t’es Québec solidaire, dans’ vie, la seule chose qui te reste, c’est d’aller voter. Ok? Parce que tu sais que tu vas pas gagner. Alors ils vont aller voter1.

C’est sans doute ce que porte à croire la ferveur des solidaires sur les médias sociaux, mais l’électorat de Québec solidaire est en fait le plus volatile de ceux des partis représentés à l’Assemblée nationale, and I have the numbers to prove it.

Source: «La politique provinciale au Québec». Léger, 18 août 2018, p. 7.

Québec solidaire est le seul parti représenté à l’Assemblée nationale dont plus de la moitié des gens qui ont l’intention de lui accorder leur vote pourrait changer d’idée. C’est presque toujours comme ça depuis que Léger a commencé à présenter les résultats pour l’électorat de Québec solidaire en 2012.

Un regard historique

Dans les dix sondages Léger pour lesquels nous avons des données sur QS, il n’y a qu’à trois reprises que l’électorat de CAQ est moins certain que celui de QS (31 juillet 2012, 31 août 2012 et 13 mars 2014). On constate par ailleurs que c’est généralement l’électorat du PQ qui est le plus solide.

Alors ils vont aller voter?

En plus d’être le plus volatile, l’électorat de Québec solidaire est moins enclin à aller voter que celui du Parti québécois ou de la Coalition avenir Québec. Il ressemble à cet égard à l’électorat du Parti libéral du Québec.

Source: «La politique provinciale au Québec». Léger, 18 août 2018, p. 39.

Sur cinq personnes qui ont répondu qu’elles avaient l’intention de voter pour Québec solidaire, quatre ont dit que c’était «certain» qu’elles iraient, mais une a dit que c’était «probable». Au Parti québécois, c’est juste une personne sur dix.

Ainsi, l’électorat qui dit dans les sondages qu’il a l’intention de voter pour Québec solidaire, c’est pas une gang de chevaliers et guerrières de la démocratie, toujours prête pour le combat. C’est du monde ordinaire qui se reconnaît dans le discours ou l’approche, mais pas tout à fait assez, dans bien des cas, pour se déplacer au bureau de scrutin ou pour concrétiser un changement d’allégeance.

Données sources

Vous pouvez consulter le tableur qui a permis de faire le graphique sur Google Spreadsheets.

Notes

Réaction

L’électorat est-il plus volatile qu’à l’habitude?

Le Journal de Montréal titrait samedi dernier «Du jamais-vu: 45% des électeurs peuvent encore changer d’idée»1.

Du jamais-vu: 45% des électeurs peuvent encore changer d'idée
Source: Alexandre Beaupré, Facebook

Est-ce que la conjoncture est si différente cette fois-ci? J’ai vérifié dans les sondages des dix dernières années. C’est beaucoup, 45% de l’électorat qui pourrait changer d’idée, mais c’est pas du jamais-vu:

Tout d’abord, le pourcentage de personnes qui répondent qu’il est probable qu’elles changent d’avis (bandes rouges) n’est pas la mesure la plus significative. En effet, c’est pas évident d’identifier la différence entre cette réponse-là (en rouge) et «Je ne sais pas» (en jaune) quand la question, c’est «Est-ce que votre choix est définitif?». Si 45% semble immense, c’est tout de même moins que la somme des «Ne sait pas» (24%) et des «Probable que je change d’avis» (25%) en mai dernier.

La mesure la plus significative, c’est plutôt la portion de gens qui affirment que leur choix est définitif. Comme on le constate sur le graphique avec les bandes bleues qui montent au cours d’une même année, puis redescendent au début de la prochaine année électorale, cette proportion augmente toujours au fil de la pré-campagne et de la campagne électorale.

L’autre fois où ça s’est produit…

Dans les sondages Léger des dix dernières années, outre cette année, cette mesure est passée une autre fois sous la barre des 50%: en janvier 2012. On était toutefois encore loin d’une campagne électorale. Le gouvernement libéral majoritaire avait été élu en décembre 2008: il restait donc un an à son mandat.

De plus, en janvier 2012, la grève étudiante se préparait, mais n’avait pas encore éclos dans l’univers médiatique. Elle n’avait donc pas encore polarisé la population québécoise.

Alors «45% des électeurs [qui] peuvent encore changer d’idée», ce n’est pas du jamais-vu, mais ce l’est aussi près d’une élection dans la dernière décennie.

Données sources

Vous pouvez consulter le tableur qui a permis de faire le graphique sur Google Spreadsheets.

Notes