Mise à jour

En rappel: La leçon de droit constitutionnel de Maître Marchi

Petit spécial pour les élections fédérales: vous avez peut-être lu qu’Andrew Scheer prétend que Justin Trudeau devra démissionner si son parti, le Parti libéral du Canada, n’obtient pas le plus grand nombre de sièges lundi prochain lors du scrutin fédéral:

Dans l’histoire moderne de la politique canadienne, il est clair que le parti qui a le plus de sièges forme le gouvernement et qu’un premier ministre qui va en élection et en ressort avec moins de sièges qu’un autre parti démissionne. C’est la convention1.

Cette même situation s’est présentée l’automne dernier au Nouveau-Brunswick. Pour nous éclairer sur les conventions constitutionnelles, le Maître Marchi avait préparé une petite leçon de droit constitutionnel. Comme il disait ce matin sur Facebook:

Remplacez «lieutenante-gouverneure» par «gouverneure-générale», Bryan Gallant par Justin Trudeau, Blaine Higgs par Andrew Scheer, et tout y est2.

Alors c’est par ici pour la première partie de La leçon de droit constitutionnel de Maître Marchi:

Qui désigne le premier ministre du Québec [et du Canada]
(et comment)?

An Act for the union of Canada, Nova Scotia and New Brunswick: and the government thereof and for purposes connected therewith
Copie numérisée par Internet Archive de l’exemplaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique conservé à l’université de Toronto

Et la deuxième partie:

Nomination du premier ministre:
est-ce que le lieutenant-gouverneur
[et le gouverneur général]
peut faire n’importe quoi?

Notes

La leçon de droit constitutionnel de Maître Marchi

Nomination du premier ministre: est-ce que le lieutenant-gouverneur peut faire n’importe quoi?

Au dernier cours, nous avons parlé des règles formelles qui encadrent la nomination du premier ministre du Québec, pour en arriver à la conclusion qu’il y en a une seule: le lieutenant-gouverneur décide. Nous discuterons donc aujourd’hui des autres règles, non écrites celles-là, qui guident la décision de la personne qui représente la Reine.

L’honorable Jocelyne Roy Vienneau, lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick
Source: Clark, Katrina. «Who Is the Lieutenant-Governor, and What Is Her Role?» The Daily Gleaner. 26 septembre 2018.

Comme l’actualité nous a rattrapés, nous laisserons notre ami Tuan à son étude des textes constitutionnels et nous nous transporterons plutôt dans le bureau de la lieutenante-gouverneure du Nouveau-Brunswick, l’honorable Jocelyne Roy Vienneau. Elle recevait mardi matin la visite du premier ministre (sortant) et chef du parti libéral de la province, le tout aussi honorable Bryan Gallant.

(Au passage, mentionnons que nous sommes d’avis que l’accord au féminin «lieutenante-gouverneure» rend la prononciation désagréable, mais nous suivons en ce sens la pratique du gouvernement du Nouveau-Brunswick.)

La rencontre

Mardi matin donc, la lieutenante-gouverneure sirote tranquillement son thé vice-royal. Elle s’est couchée tard la veille parce que la soirée électorale a été longue, les résultats étant très serrés (un scénario qui pourrait très bien se produire au Québec, si on se fie à mon ami Raphaël Crevier).

La nouvelle répartition des sièges à l’assemblée législative est la suivante:

Nb de sièges
Parti progressiste-conservateur 22
Parti libéral 21
Alliance des gens du Nouveau-Brunswick 3
Parti vert 3
Seuil pour obtenir une majorité 25

Source: «Résultats non officiels». Elections NB, 24 septembre 2018.

(Le parti Kiss du Nouveau-Brunswick n’a remporté aucun siège avec ses 336 votes, mais à défaut de connaître leurs positions, on aime bien leur nom.)

C’est alors qu’on annonce l’arrivée du premier ministre Gallant. Malheureusement, nous ne pouvons pas savoir ce qui s’est dit entre les deux honorables dans l’intimité du bureau mais, selon ce qui a été rapporté dans les médias, voici à peu près de dont ça devait avoir l’air:

L’hon. Bryan Gallant:
Votre honneur, je vous annonce que j’ai l’intention de continuer à diriger le gouvernement de la province.
L’hon. Jocelyne Roy Vienneau:
Fort bien, monsieur le Premier ministre, mais avez-vous toujours la confiance de l’assemblée législative?
B.G.:
Je le crois, mais je n’en suis pas totalement sûr.
J.R.V.:
Alors, revenez me voir quand vous saurez quoi me dire et, d’ici là, arrêtez de me déranger!

La lieutenante-gouverneure a ensuite reçu la visite du chef du parti progressiste-conservateur, Blaine Higgs, et on ne sait pas plus ce qui s’est dit mais, comme la province avait toujours un premier ministre à ce moment-là, c’est de peu d’intérêt.

Nous en sommes là.

Quels étaient les scénarios possibles?

Luc Letellier de Saint-Just
Photographie de Luc Letellier de Saint-Just par William James Topley, mars 1879. Wikimedia Commons.

La lieutenante-gouverneure aurait pu destituer le premier ministre Gallant. Formellement, elle en a le pouvoir. Toutefois, le dernier lieutenant-gouverneur qui s’est essayé a été lui-même destitué quelques mois plus tard, à cause de sa décision controversée.

C’était toutefois en 1878: Luc Letellier de Saint-Just a destitué le premier ministre conservateur du Québec, Charles-Eugène Boucher de Boucherville. En 2018, à moins d’une crise constitutionnelle majeure (par exemple, si un premier ministre qui a perdu la confiance de l’assemblée refusait de démissionner), on oublie ça.

Le premier ministre aurait pu remettre sa démission. C’est, par exemple, ce que Jean Charest avait choisi de faire après avoir vu son parti arriver deuxième en nombre de sièges aux élections québécoises du 4 septembre 2012.

Il aurait pu au contraire essayer d’obtenir le soutien des députés de la Coalition avenir Québec (CAQ) pour conserver la confiance de l’assemblée, même si le Parti québécois avait remporté deux sièges de plus.

Christy Clark et la lieutenant-gouverneure de la Colombie-Britannique, Judith Guichon
Source: Smith, Charlie. «Lt.-Gov. Judith Guichon’s Unelected Power Should Raise Questions about Dumping the Monarchy». Georgia Straight. 29 juin 2017.

Le premier ministre peut choisir de rester en poste et tenter d’obtenir (ou plutôt, de maintenir) la confiance de l’assemblée législative. C’est ce qu’a choisi de faire la libérale Christy Clark après les élections britanno-colombiennes du 9 mai 2017.

Ses espoirs ont cependant été de courte durée, puisque l’assemblée législative a adopté une motion de censure pour retirer sa confiance à la première ministre le 29 juin de la même année, la poussant à démissionner.

Un petit mot au passage sur l’affirmation de Brian Gallant comme quoi il aurait obtenu la «permission» de la lieutenante-gouverneure pour rester en poste. Formellement, il n’avait aucune permission à demander, étant toujours le premier ministre en poste. Tout ce qu’on peut comprendre, c’est que la lieutenante-gouverneure ne l’a pas destitué et n’a pas demandé sa démission.

Mais qu’est-ce qui guide les décisions de la lieutenante-gouverneure? C’est le moment d’aborder les conventions constitutionnelles en commençant par les distinguer d’autres notions voisines.

Conventions, coutume et common law…

Question de placer les concepts, j’aimerais revenir sur une intervention de l’élève Rodrigue Desnoyers, dans un commentaire émis lors notre dernier cours, qui fait référence à des concepts voisins de la convention constitutionnelle :

Oui mais il y a le droit coutumier si cher aux Brits. C’est aussi le principe du “Common Law”. Alors, ne vous souciez pas. Le premier ministre est le chef du parti porté au pourvoir par l’élection.

Dans son intervention, monsieur Desnoyers utilise deux concepts que je tenterai de définir et de distinguer de la notion de convention constitutionnelle.

Common law

Tout d’abord, la common law est un système juridique où les règles de droit sont principalement issues des décisions des tribunaux, et où le droit se développe au fur et à mesure des décisions individuelles.

Dans un système de common law, les parlements votent bien sûr des lois, mais celles-ci viennent s’ajouter de façon ponctuelle au «socle» que constituent les décisions des tribunaux.

Par opposition, dans un système civiliste, c’est le contraire: la loi (au premier chef, le Code civil) constitue la base du droit, et la jurisprudence ne s’y ajoute que pour l’interpréter et combler ses vides.

Au Québec, nous avons un système mixte: civiliste en droit privé (les relations entre les individus) et de common law en droit public (les relations entre l’individu et l’État; par exemple, le droit criminel).

Il n’en demeure pas moins que, dans un système de common law, les règles sont développées par les tribunaux et, surtout, susceptibles d’être appliquées et sanctionnées par les tribunaux. C’est du droit formel, au même titre que les lois écrites.

Coutume

Ensuite, la coutume désigne toute règle de conduite qui s’appuie sur un usage constant et répété. Il ne s’agit pas toujours de règles juridiques. Par exemple, si vous jouez aux cartes dans votre famille avec des règles qui ont été transmises de génération en génération sans jamais être écrites, vous être probablement en présence d’une coutume.

Famille blanche jouant aux cartes
Source: Anderberg, Jeremy. «6 Card Games Everyone Should Know». The Art of Manliness (blogue), 26 mai 2018.

L’existence d’une règle coutumière exige non seulement un usage constant et répété, mais aussi que celles et ceux qui sont visés soient convaincus de son caractère obligatoire.

Aujourd’hui, la coutume n’est susceptible d’être sanctionnée par les tribunaux que lorsque la loi écrite le prévoit, par exemple en matière de contenu d’un contrat. (Dans un domaine spécifique, les usages peuvent faire partie du contenu d’un contrat sans qu’il soit nécessaire de le prévoir explicitement, selon l’article 1434 du Code civil.)

Conventions constitutionnelles

Enfin, les conventions constitutionnelles sont en quelque sorte le sous-ensemble des règles coutumières qui concernent spécifiquement le fonctionnement de nos institutions politiques. L’existence d’une convention constitutionnelle nécessite donc une pratique constante et le sentiment des acteurs politiques d’y être liés.

Certains experts ajoutent qu’une convention constitutionnelle doit être appuyée sur un grand principe de gouvernance, tel que la démocratie représentative, bref avoir une raison d’être. Comme il s’agit uniquement de règles coutumières, à moins d’être incorporées dans une loi, les conventions constitutionnelles ne sont pas susceptibles d’être sanctionnées par les tribunaux. C’est le comportement des acteurs et le sentiment d’être lié qui leur donnent toute leur force.

D’ailleurs, il est intéressant de constater que lorsque les médias s’interrogent sur les conventions constitutionnelles, ils s’adressent souvent à des politologues, davantage qu’à des juristes. Cette pratique confirme le caractère hybride (politico-juridique) de ces règles.

La nature particulière des conventions constitutionnelles leur confère deux caractéristiques qui les rendent difficiles à cerner:

  • Il y a matière à débat sur leur véritable contenu (si les avocats sont incapables de s’entendre sur le sens des lois écrites, imaginez les non écrites!).
  • Leur contenu n’est précisé ou clarifié que lorsqu’elles sont mises à l’épreuve. Tant que tout le monde semble suivre une règle, on ne débat pas de son contenu précis.

Et alors, au Québec?

Revenons à nos moutons: quelles sont les conventions constitutionnelles qui encadrent la nomination du premier ministre, dans notre système parlementaire?

Comme aucun parti politique n’avait jusqu’ici soutenu une personne autre que son chef pour devenir premier ministre, personne ne s’était posé la question, et les experts ne l’ont pas approfondie.

En faisant un peu de recherche, l’une des formulations que j’ai trouvées est la suivante:

Le [lieutenant-gouverneur] doit nommer comme premier ministre un chef de parti qui est assuré ou qui a de bonnes chances d’obtenir la majorité [à l’assemblée législative]1

Vous remarquerez qu’on ne parle pas du parti qui a obtenu le plus de sièges à la suite d’une élection générale, mais de quelqu’un «qui est assuré ou qui a de bonnes chances d’obtenir la majorité». La raison d’être de cette convention est de favoriser la nomination d’une personne qui sera capable d’obtenir la confiance de l’assemblée, élément essentiel de notre système parlementaire.

La plupart du temps, la personne la mieux placée sera le chef du parti qui a obtenu le plus de sièges. Toutefois, selon le jeu des alliances politiques, le chef d’un autre parti pourrait tout à fait être la personne qui a le plus de chances d’obtenir la majorité.

Autres possibilités

Stéphane Dion entouré de Jack Layton et de Gilles Duceppe pour annoncer la création d’une coalition, le 1er décembre 2008
Source: Agence Reuters/Blair Gable. Publiée dans Buzzetti, Hélène. «Ottawa – Les secrets d’une coalition». Le Devoir. 2 décembre 2009.

Prenons un cas où les partis qui sont arrivés deuxième et troisième en nombre de sièges se coalisent pour former une majorité (ce qui a failli se produire en décembre 2008 au Parlement fédéral). Le chef du parti arrivé troisième pourrait poser comme condition, pour appuyer l’autre, que la personne choisie comme premier ministre soit quelqu’un d’autre que le chef du parti arrivé deuxième.

Est-il nécessaire que ce soit un chef? Pour répondre à cette question, revenons à la raison d’être de la convention: nommer une personne qui est capable d’obtenir la confiance de l’assemblée.

Si une personne est soutenue par un parti pour devenir premier ministre, et ce parti fait obtient une majorité de sièges ou est appuyé par d’autres partis, il est difficile de croire qu’elle n’obtiendra pas la confiance de l’assemblée. La nomination de cette personne comme premier ministre serait donc tout à fait acceptable.

Alors, à quoi ça sert d’avoir des chefs de parti? C’est la question que nous aborderons dans le troisième billet de la série.

Notes

La leçon de droit constitutionnel de Maître Marchi

Qui désigne le premier ministre du Québec (et comment)?

Lors du débat des chefs tenu le jeudi 20 septembre sur les ondes de TVA, le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée, a demandé à la porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, qui était le véritable chef de Québec solidaire.

(Nous constatons que le chef du Parti québécois est un auditeur assidu de L’Antichambre électorale puisque c’était notre question piège lundi dernier, posée dans une discussion qui a commencé à 13:05.)

Un peu après la fin du débat, un collègue juriste s’est posé la question sur Facebook: «Est-ce que quelqu’un qui n’est pas le chef de son parti auprès du DGEQ peut légalement être premier ministre du Québec?»

Dans la vie de tous les jours, je pratique le droit municipal. Toutefois, lorsque des questions existentielles se posent et que l’appel de la Nation se fait sentir, le constitutionnaliste en herbe qui sommeille en moi sort de sa tanière. Comme je ne suis pas un expert en la matière, j’ai dû faire quelques recherches pour me faire une tête, ce qui me permet maintenant d’assumer ma posture de donneur de leçon.

Loi constitutionnelle

Pour suivre ma réflexion, je vous propose de vous mettre dans la peau de Tuan, un nouvel arrivant qui cherche à comprendre nos institutions. Soucieux d’être en mesure de soutenir une discussion avec l’homo quebecus (ou de devenir un champion de Génies en herbe), Tuan s’attaque à la lecture de nos textes constitutionnels pour découvrir le fonctionnement du gouvernement du Québec.

An Act for the union of Canada, Nova Scotia and New Brunswick: and the government thereof and for purposes connected therewith
Copie numérisée par Internet Archive de l’exemplaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique conservé à l’université de Toronto

Tout d’abord, Tuan lit la version anglaise de la Loi constitutionnelle de 1867 (qu’on appelait autrefois l’Acte de l’Amérique du Nord britannique), parce qu’il sait que cette loi britannique du 19e siècle a été adoptée en anglais seulement par le parlement de Westminster.

En 1982, Londres nous a fait la faveur d’adopter la Loi constitutionnelle de 1982 dans les deux langues officielles du Canada (deux ans après le référendum de 1980, c’était politiquement bien avisé de nous fournir une version française officielle), mais aucune version française du texte de 1867 n’a été adoptée à ce jour. Pourtant, ce texte définit une bonne partie de nos institutions politiques et prévoit notamment le partage des compétences entre le Parlement fédéral et les législatures provinciales.

Pour faciliter la compréhension, vous m’excuserez de citer quand même la traduction française de la Loi constitutionnelle de 1867 (que j’appelerai par son petit nom, LC 1867), traduction préparée par un comité de rédaction constitutionnelle française pour une éventuelle adoption.

Le premier ministre, ce grand absent de la Constitution

En lisant cette loi de 1867, Tuan apprend premièrement que le pouvoir exécutif est exercé par la Reine (c’est prévu explicitement pour le gouvernement fédéral à l’article 9 mais je peux, sans trop de risque de me tromper, étendre le principe aux gouvernements provinciaux).

Britain's Queen Elizabeth II poses for Annie Leibovitz with her five great-grandchildren and her two youngest grandchildren in Windsor Castle to mark her 90th birthday
© Annie Leibovitz, 2016.

Comme la Reine est un peu occupée à garder ses arrière-petits-enfants et à diriger les 16 pays dont elle est le chef d’État, l’article 58 prévoit qu’elle a au Québec un délégué, le lieutenant-gouverneur J. Michel Doyon.

Continuant sa lecture, Tuan apprend, à l’article 63, que le lieutenant-gouverneur est assisté dans ses fonctions par un conseil exécutif (le conseil des ministres), composé des personnes qu’il juge à propos de nommer. Ça ne l’avance pas beaucoup, mais le texte de l’article lui indique tout de même la composition du premier conseil exécutif. Tuan sort une feuille blanche et dessine la table du conseil exécutif.

Autour de la table, il place:

  • le procureur général (une fonction qu’on associe aujourd’hui au ministre de la Justice);
  • le secrétaire et registraire de la province (des fonctions administratives assumées également par le ministre de la Justice aujourd’hui);
  • le trésorier de la province (l’équivalent du ministre des Finances d’aujourd’hui);
  • le commissaire des terres de la Couronne (ministre des Ressources naturelles); et
  • le commissaire d’agriculture et des travaux publics (ministre de l’Agriculture et des Transports).

On était loin de s’imaginer, à l’époque, qu’il y aurait un jour des ministres de la Santé et de l’Éducation. Et surtout, pas de premier ministre!

Pourtant, le Québec avait bel et bien un premier ministre dès 1867, en la personne de Pierre-Joseph-Olivier Chauveau. Ne vous inquiétez pas pour lui, il était membre du conseil exécutif, puisqu’il était aussi secrétaire et registraire de la province.

Ce qui nous permet d’arriver à notre première leçon: la fonction de premier ministre, du Canada et des provinces, n’est mentionnée nulle part dans la Constitution du Canada, sauf à deux endroits qui ne concernent pas spécifiquement cette fonction.

En effet, les rédacteurs de la Loi constitutionnelle de 1982 ont fait référence à la fonction de premier ministre dans deux articles qui concernent les droits des autochtones et la révision de la procédure de modification constitutionnelle, sans se formaliser du fait que cette fonction n’est définie nulle part dans la Constitution.

C’est totalement représentatif de la tradition juridique britannique: les institutions apparaissent et acquièrent une importance capitale, sans être obligatoirement définies dans les lois écrites.

Oui mais non

L’illustration est frappante, mais je dois avouer avoir pris un petit raccourci. C’est que le Parlement du Québec a la compétence pour «modifier la constitution de la province» (selon l’article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 et, auparavant, l’alinéa 92(1) de la LC 1867). Dans l’exercice de cette compétence, l’Assemblée nationale a adopté de nombreuses lois ordinaires qui définissent la structure de notre État, en plus des lois constitutionnelles. Pensons à la Loi sur l’Assemblée nationale, à la Loi sur l’exécutif et à la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ainsi, la Loi sur l’exécutif prévoit la composition contemporaine du conseil exécutif, et notamment la fonction de premier ministre.

L’article 4 de la Loi sur l’exécutif prévoit que le lieutenant-gouverneur nomme les membres du conseil exécutif, dont le premier ministre (en fait, la loi n’aurait pas pu prévoir autre chose sans contrevenir à la constitution). C’est donc le lieutenant-gouverneur, J. Michel Doyon, qui choisira le prochain premier ministre, à sa discrétion (dont l’exercice, on le verra, est guidé par les des règles non écrites). Vous savez maintenant où envoyer votre curriculum vitae.

Comme ce serait un peu plate si on s’arrêtait sur cette réponse, nous aborderons dans le prochain billet les conventions, ces règles constitutionnelles non écrites, et la fonction de chef de parti politique.