À un peu plus de deux semaines du scrutin, les sondages n’augurent rien de bon pour Labour (ils doivent donc mentir) et ne sont pas que remplis de bonnes nouvelles pour les libéraux démocrates. Bref, ça augure mal pour le camp Remain et/ou deuxième référendum.
Voici les intentions de vote recensées sur Wikipedia depuis le début de la campagne. Notons que la plupart des sondages excluent la comparativement très petite Irlande du Nord et son système partisan complètement distinct. Les conservateurs sont largement en avance, mais l’écart avec Labour est assez stable.
Les deux principaux partis (les Tories en bleu et Labour en rouge) montent dans les sondages alors que les libéraux démocrates (en orange) et le Brexit Party (en turquoise) baissent, au point où ce dernier rejoint les partis nationalistes (combinés en jaune) et les verts sous la barre des 5%. C’est ce qu’on appelle en anglais le «squeeze» des partis plus petits partis alors que l’électorat se rallie vers un des partis de l’alternance du pouvoir.
C’est bien beau ces sondages nationaux, mais on sait très bien que ce ne sont pas de très bons indicateurs dans un scrutin uninominal à un tour. Aux dernières élections fédérales canadiennes, les conservateurs ont même gagné le vote populaire pendant que les libéraux ont récolté le plus de sièges!
Regardons donc les (mauvaises nouvelles qui attendent Labour dans les) projections et dans un sondage local qui a beaucoup fait jaser.
Projections unanimes
Les projections sont unanimes: les conservateurs seraient présentement certains d’obtenir une majorité. J’ai ordonné les projections de la plus optimiste (384 sièges ou plus) à la plus «pessimiste» (355) pour les conservateurs ou, si vous préférez, de la plus pessimiste (184 sièges ou moins) à la plus «optimiste» (212) pour Labour.
Dernières projections pour la Grande-Bretagne
Partis | À la dissolution | Forecast UK | UK-Elect | Jack Bailey et Patrick English | Electoral Calculus | 326 Politics |
---|---|---|---|---|---|---|
25 nov. |
24 nov. |
24 nov. |
23 nov. |
25 nov. | ||
Conservateurs | 298 | 384 – 387 | 363 | 361 (335-391) | 359 (272-444) | 355 |
Labour | 243 | 175 – 184 | 194 | 200 (176-223) | 208 (125-283) | 212 |
SNP | 35 | 42 – 45 | 44 | 49 (36-56) | 41 (20-46) | 41 |
LibDems | 21 | 14 – 23 | 25 | 17 (13-21) | 20 (13-61) | 20 |
Brexit Party | 0 | 0 | 0 (0-9) | 0 | ||
Plaid Cymru | 4 | 2 – 4 | 5 | 4 (3-5) | 3 (0-6) | 2 |
Verts | 1 | 0 – 2 | 1 | 1 (1-1) | 1 (0-2) | 1 |
Indépendants | 21 | 0 – 2 | ||||
Autres | 8 | 0 | 2 | 0 (0-1) | 0 |
Notez que le siège du président de la Chambre est exclu de ces projections, pour un total de 631 sièges en Grande-Bretagne.
Outre la montée des conservateurs et la chute de Labour, les projections sont unanimes sur le fait que le Parti nationaliste écossais (Scottish National Party ou SNP) augmenterait sa députation à Westminster et que le Brexit Party risque de n’y faire élire personne. Elles sont partagées sur le sort des libéraux démocrates, de Plaid Cymru et des verts, mais les différences demeurent minimes.
Parce qu’on ne peut pas constamment mettre l’Irlande du Nord de côté, voici les projections pour ses 18 sièges.
Dernières projections pour l’Irlande du Nord
Partis | À la dissolution | Forecast UK | 326 Politics | Electoral Calculus | UK-Elect |
---|---|---|---|---|---|
25 nov. | 25 nov. | 23 nov. | 24 nov. | ||
DUP | 10 | 6 – 9 | 8 | 8 | 10 |
Sinn Féin | 7 | 3 – 6 | 6 | 7 | 7 |
Alliance | 0 | 2 – 4 | 1 | 3 | |
SDLP | 0 | 1 – 3 | 2 | ||
UUP | 0 | 0 – 2 | 1 | ||
Indépendants | 1 |
Trois des quatre projections prévoient l’entrée à Westminster de nouveaux partis nord-irlandais le retour à Westminster de certains partis nord-irlandais (c’est ce qui arrive quand on veut introduire un sujet délaissé avant d’avoir eu le temps de faire ses recherches!), des partis qui prendraient leurs sièges, contrairement au Sinn Féin, comme on l’a vu en parlant d’arithmétique parlementaire. Vivement le moment où j’aurai le temps de me plonger dans ce système partisan nouveau pour moi et visiblement en changement!
Ce que les sondages disent sur Labour
Comme le soulignent Stephen Fisher, John Kenny et Rosalind Shorrocks (des universités Oxford, Southampton et Manchester respectivement), les projections placent Labour sensiblement au même niveau que son pire résultat de l’après-guerre: seulement 209 sièges en 1983, à la première réélection de Margaret Thatcher.
On l’avait vu dans le billet sur la carte électorale de l’Angleterre: à en croire le méga-sondage de YouGov avec un échantillonnage assez grand pour distinguer les régions, Labour serait en train de perdre le nord, qui avait voté Leave. Toutefois, dans le dernier coup de sonde de la firme (21-22 novembre), Labour tient bon dans le nord, avec une avance de 7 points sur les conservateurs alors que ceux-ci mènent 42% contre 30% à l’échelle de la Grande-Bretagne.
Une lutte à finir dans les Midlands
Dans les sondages locaux, par exemple, c’est une autre histoire. Un sondage commandé par The Economist dans Great Grimsby et mené par Survation a fait grand bruit. Cette circonscription du Lincolnshire, bien que dans les Midlands, est détenue par Labour depuis 1945. On se souvient que les Midlands sont plutôt conservateurs et ont voté avec le plus de conviction pour sortir de l’Union européenne.
En 2010, les conservateurs étaient passés à quelque 700 voix de ravir Great Grimsby aux travaillistes. L’avance de Labour était redevenue plus confortable en 2015 grâce à l’importante division du vote causée par UKIP, à l’époque dirigé par Nigel Farage: sa candidate était arrivée troisième, presqu’à égalité avec le candidat conservateur (25% contre 26%). En 2017, comme le vote de UKIP s’est effondré, le Parti conservateur chauffait à nouveau les fesses de Labour, qui l’a quand même emporté avec un peu plus de 2500 voix d’avance.
D’après les calculs de Chris Hanretty, la circonscription aurait voté à 69% pour Leave au référendum de 2016. Le politologue a également transposé les résultats de l’élection européenne: le Brexit Party aurait reçu 49% des voix contre 14% pour Labour. Comme on a vu dans les billets sur le pays de Galles et sur l’Angleterre, c’était une élection battue sur des enjeux et avec un mode de scrutin très différents.
Quel ne fut pas le choc, néanmoins, la semaine dernière de voir les conservateurs avec une avance de plus de 10 points de pourcentage sur Labour dans le sondage de Survation.
Si ce sondage reflète fidèlement la réalité (ce qu’on ne peut demander à un seul sondage de faire), un vote stratégique de la part de la totalité des personnes qui soutiennent les libéraux démocrates (à 4%) et les verts (à 3%) ne suffirait pas à combler le retard de Labour, qui visiblement perd des voix au profit du Brexit Party.
Dans le prochain billet, j’aborderai enfin un sondage sur des courses à trois à Londres dont j’ai envie de parler depuis plusieurs semaines maintenant!