Analyse de données

Second regard sur les «petits partis»

J’avais promis de revenir aux intentions de vote pour les «petits partis» après la date limite pour le dépôt des mises en candidatures. La veille du scrutin, il serait peut-être temps d’y revenir!

Lundi dernier, un commentaire sur Facebook m’avait donné envie d’étudier l’évolution des petits partis. J’ai publié les résultats de mes analyses sur Twitter. Voici maintenant le tout sur le blogue avec quelques ajouts incluant les dernières informations dont on dispose concernant leurs intentions de vote.

Continuité depuis 15 ans

Il y a beaucoup de continuité, avec cinq petits partis déjà présents en 2003 et deux apparus en 2012 (le Parti conservateur du Québec et Citoyens au pouvoir). Seule la nouvelle mouture du Nouveau Parti démocratique du Québec est apparue cette année.

Toutefois, le Parti vert (vert mini-putt) n’a présenté aucune candidature en 1998, ayant perdu sa reconnaissance officielle après que son chef soit passé au Parti québécois1.

Le Bloc Pot (vert forêt) a lui pris une pause électorale en 2008. Peut-être que ses membres avait passé l’élection fédérale qui venait de se terminer à travailler sur la campagne du chef du Parti marijuana? En effet, il se présentait dans Hochelaga2.

Trajectoires différentes depuis 2012

Si on utilise comme mesure de force organisationnelle le nombre de candidatures présentées aux élections:

  • le Bloc pot s’améliore depuis 2012;
  • le Parti conservateur (bleu ciel) encore plus;
  • le Parti vert et Citoyens au pouvoir (jaune) suivent la même trajectoire: chute en 2014, remontée en 2018 pour dépasser leur nombre de candidatures de 2012;
  • le Parti marxiste-léniniste (rouge) est stable, stable, stable…

Stabilité remarquable au PMLQ

La force organisationnelle du Parti marxiste-léniniste (PMLQ) est surprenamment stable depuis 1998, toujours entre 23 et 25 candidatures!

Tel que discuté au premier épisode de L’Antichambre électorale à partir de 9:00, ce n’est pas facile! Bravo au PMLQ!

La force organisationnelle de la gauche contre la marque de commerce d’un parti vert

La longue lignée de partis de gauche qui ont donné naissance à Québec solidaire (QS, orange) a toujours été plus forte sur le plan organisationnel que le Parti vert du Québec (PVQ) si on utilise comme mesure de force organisationnelle le nombre de candidatures présentées aux élections.

Néanmoins le PVQ a récolté plus de voix que le Nouveau Parti démocratique du Québec (un ancêtre de QS) en 1989 et que QS à sa première élection générale, en 2007.

Difficultés depuis 10 ans

L’élection en 2008 d’Amir Khadir, premier député de Québec solidaire, a été dramatique pour les petits partis qui n’ont pas obtenu de représentation à l’Assemblée nationale. En 2012, seule Option nationale (bleu poudre) a passé la barre du 1%. En 2014, aucun petit parti n’y est parvenu.

La barre du 1% n’est pas que symbolique: c’est le seuil pour qu’un parti se fasse rembourser la moitié de ses dépenses électorales par le Directeur général des élections (DGEQ). Les partis qui récoltent moins qu’un pourcent des voix valides (donc excluant les bulletins rejetés) ne reçoivent aucun remboursement3.

Qui a des chances d’obtenir un remboursement de ses dépenses cette année?

Minces espoirs

Malheureusement, dans les sondages de fin de campagne, seul Léger présente les résultats pour des partis qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale: il s’agit du Parti vert (PVQ), du Parti conservateur (PCQ) et du Nouveau Parti démocratique du Québec (NPDQ).

Nous n’avons donc aucune information sur les intentions de vote pour Citoyens au pouvoir, le Bloc pot et le PMLQ autre que le pourcentage pour les «autres» dans Léger. Vous constaterez qu’il est à 0%.

PVQ PCQ NPDQ Autres
Léger4 1% 1% 0% 0%
Mainstreet5 3,6%
Ipsos6 3%
Forum7 2%
Too Close To Call8 1,1% 0,9% 0,5%

J’ai ajouté la projection de Too Close To Call, la seule à offrir une ventilation des «autres partis».

On constate que seuls le Parti vert et le Parti conservateur semblent pouvoir espérer obtenir un remboursement.

Au cours de la campagne, Mainstreet sondaient également les intentions de vote du Parti vert et du Parti conservateur, mais pas du NPDQ. Voici donc l’évolution des appuis aux tiers partis au cours de la campagne:

Comme Mainstreet donne une décimale de précision et Léger aucune, les points qui tombent pile sur la ligne proviennent d’un sondage Léger et ceux qui se situent entre les lignes ont été tirés d’un sondage Mainstreet.

Dans la discussion sur le comportement électoral au nouvel épisode de L’Antichambre électorale, on parle des difficultés que rencontrent les petits partis en raison du vote stratégique:

C’est généralement le cas en campagne que les intentions de vote pour les tiers partis chutent: l’électorat se redirige vers les principaux partis de peur de «perdre» son vote.

Sur ce, je compte sur vous pour aller voter! Visitez la page des forces en présence pour trouver les sites Web de tous les partis.

Données sources

Vous pouvez consulter le tableur qui a permis de faire le graphique sur Google Spreadsheets.

Notes

Réaction

Pas tous égaux, les «petits partis»

Hier, La Presse a publié un dossier sur les «petits partis». Amin Guidara offre un «[t]our d’horizon» axé sur une entrevue avec l’avocat beauceron Hans Mercier, chef du Parti 51, qui prône l’annexion du Québec aux États-Unis1. On retrouve ensuite 16 paragraphes présentant les partis en ordre alphabétique (sauf le Parti vert du Québec, qui apparaît en deuxième?).

Ça m’a semblé foncièrement injuste d’énumérer de manière indifférenciée un parti qui présente des candidatures depuis près de 30 ans (le Parti marxiste-léniniste du Québec), des partis comme le Nouveau Parti démocratique du Québec pour lesquels les sondeurs demandent les intentions de vote et ceux, comme le Parti culinaire du Québec, dont je n’avais pas entendu parler parce que je n’avais pas lu l’article de la Presse canadienne sur le sujet2.

En tant qu’organisatrice d’un parti qui a déjà été «petit», j’aimerais vous offrir un portrait plus nuancé mettant en valeur les forces organisationnelles de celles d’entre ces formations politiques qui en ont.

Le financement comme mesure de la force organisationnelle

Plutôt que de partir de la liste des 21 partis politiques autorisés par le Directeur général des élections (DGEQ), j’ai téléchargé les données disponibles publiquement concernant les dons aux partis politiques pour 2018. J’ai ainsi obtenu une liste de 18 partis, dont deux ne sont plus autorisés (le Parti union nationale et le Parti indépendantiste). Cinq partis autorisés n’ont donc amassé aucun don.

Partis Date d’autorisation3 20144 2018
Candidatures Résultats    Dons5 Intentions de vote6
CAQ 14 février 2012 122 23,05% 528 848 $ 37,2%
PLQ 22 février 19787 125 41,52% 684 933 $ 30,3%
PQ 22 février 19788 124 25,38% 964 402 $ 17,9%
QS 1 janvier 20189 124 7,63% 406 376 $ 10,2%
NPD Québec 30 janvier 2014 27 260 $ 0,8%
Parti conservateur du Québec 25 mars 2009 59 0,39% 20 150 $ 0,9%
Parti vert du Québec 14 novembre 2001 44 0,55% 6 390 $ 1,5%
Parti marxiste-léniniste du Québec 5 mai 1989 24 0,05% 5 855 $
Bloc Pot 18 mars 1998 14 0,06% 5 779 $
Citoyens au pouvoir du Québec 13 juin 2012 5 0,03% 10 506 $
Parti 51 13 octobre 2016 831 $
Parti libre 2 décembre 2016 600 $
Parti union nationale10 3 0,01% 500 $
Équipe autonomiste 21 mars 2012 5 0,01% 460 $
Québec en marche 29 novembre 2017 275 $
Parti indépendantiste11 1 0,00% 205 $
Québec cosmopolitain 22 juin 2018 100 $
Parti équitable 20 février 2012 5 0,04% 5 $

Pour obtenir une perspective historique, j’ai transcrit les dates d’autorisation indiquées sur le site du DGEQ ainsi que la performance aux dernières élections générales.

Le Parti Vert du Quebec est présentement à la recherche de candidat-e-s dans la majorité des régions du Québec! En apprendre plus →
Source: Capture d’écran du https://www.pvq.qc.ca/ effectuée le 28 août 2018.

La performance d’un «petit parti» se mesure tant à son score dans le vote populaire qu’aux nombres de candidatures qu’il a été en mesure de présenter. (D’ailleurs, voici comment faire pour vous présenter: vous avez jusqu’au 15 septembre 2018 à 14h.)

J’ai également ajouté, pour les partis pour lesquels des données existent, les intentions de vote en date du 27 août 2018 selon Too Close To Call.

Je vois dans ce tableau quatre catégories de partis:

les «grands» partis,
qui sont représentés à l’Assemblée nationale (que nous ignorerons dans ce billet);
les partis à surveiller,
qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale mais apparaissent aux questionnaires des sondeurs;
les «petits partis» historiques,
qui existent depuis plus de 20 ans;
les nouveaux «petits partis»,
qui ont six ans et moins.

Je vois surtout dans cette dernière catégorie une grosse surprise.

Partis à surveiller

Je vais passer rapidement par-dessus les partis qui ne sont pas représentés à l’Assemblée nationale, mais pour lesquels les maisons de sondage demandent les intentions de vote. J’y reviendrai plus en profondeur quand nous saurons le nombre exact de candidatures qu’ils présentent.

Partis Date d’autorisation 2014 2018
Candidatures Résultats    Dons Intentions de vote
NPD Québec 30 janvier 2014 27 260 $ 0,8%
Parti conservateur du Québec 25 mars 2009 59 0,39% 20 150 $ 0,9%
Parti vert du Québec 14 novembre 2001 44 0,55% 6 390 $ 1,5%

J’ai ordonné les partis en fonction de la somme des dons qu’ils ont récoltés depuis le début de 2018.

Vous remarquerez toutefois que cette donnée semble présentement inversement proportionnelle aux intentions de vote. D’une part, les intentions de vote pour les tiers partis fluctuent beaucoup d’un sondage à l’autre (à leur échelle). D’autre part, on constate à la vue des résultats de 2014 que le Parti vert s’en est mieux tiré que le Parti conservateur du Québec avec moins de candidatures.

J’y vois deux explications: l’attrait du Parti vert auprès des non-francophones et l’image de marque facilement reconnaissable (brand recognition) de son nom (et qui m’a toujours rendue jalouse comme solidaire). En effet, la majorité de la population associe facilement le fait de voter vert (ou Green) à la protection de l’environnement sans avoir besoin d’aller lire la plateforme du parti. (Le positionnement idéologique des partis verts sur d’autres enjeux varient beaucoup d’une organisation à l’autre.)

Nous plongerons plus en profondeur dans les intentions de vote à une autre occasion (c’est fait!).

Partis historiques

Le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) et le Bloc Pot sont des institutions des élections générales québécoises depuis respectivement 1989 et 1998.

Partis Date d’autorisation 2014 2018
Candidatures Résultats    Dons Intentions de vote
Parti vert du Québec 14 novembre 2001 44 0,55% 6 390 $ 1,5%
Parti marxiste-léniniste du Québec 5 mai 1989 24 0,05% 5 855 $
Bloc Pot 18 mars 1998 14 0,06% 5 779 $

Avec un financement d’environ 5 800 $ chacun depuis le début de l’année, ces partis sont en fait tout près du Parti vert du Québec. Ce dernier obtient néanmoins dix fois plus de voix en ne présentant que deux à trois fois plus de candidatures.

Pour l’instant, le PMLQ présente 25 candidatures et le Bloc Pot, neuf candidats et une seule candidate. On les retrouve à Montréal, sur la Rive-Sud, sur la Rive-Nord, dans la Capitale-Nationale et en Outaouais.

Nouveaux partis

J’ai trouvé dans les nouveaux partis une surprise importante: le degré de financement du parti Citoyens au pouvoir du Québec qui, avec ses 10 000 $, se classe 7e, devant le Parti vert.

Partis Date d’autorisation 2014 2018
Candidatures Résultats    Dons
Citoyens au pouvoir du Québec 13 juin 2012 5 0,03% 10 506 $
Parti 51 13 octobre 2016 831 $
Parti libre 2 décembre 2016 600 $
Parti union nationale 3 0,01% 500 $
Équipe autonomiste 21 mars 2012 5 0,01% 460 $
Québec en marche 29 novembre 2017 275 $
Parti indépendantiste 1 0,00% 205 $
Québec cosmopolitain 22 juin 2018 100 $
Parti équitable 20 février 2012 5 0,04% 5 $

Une visite sur le site Web de l’ancien parti du syndicaliste Bernard «Rambo» Gauthier donne l’impression que l’objectif est de présenter 125 candidatures. En effet, les 125 circonscriptions se succèdent en ordre alphabétique accompagnées soit du nom et de la photo de la candidature annoncée, soit d’une image indiquant qu’une candidature est recherchée.

Quinze circonscriptions incluant trois candidatures, les autres recherchées
Source: Capture d’écran du https://www.citoyensaupouvoir.ca/vos-candidats effectuée le 28 août 2018.

Avec ses 48 candidatures affichées, le parti Citoyens au pouvoir devance déjà confortablement les tiers partis historiques: ce nombre se situe même entre le nombre de candidatures présentées par le Parti vert et le Parti conservateur en 2014.

Le Parti vert et le Parti conservateur s’enlignent néanmoins pour faire de meilleures performances cette année, annonçant déjà respectivement 70 et 90 candidatures. Le NPD Québec de son côté semble mal parti. Malgré son avance dans les partis non représentés à l’Assemblée nationale en matière de dons, il n’a que 31 candidatures affichées sur son site Web.

Citoyens au pouvoir, un parti à surveiller?

Le parti Citoyens au pouvoir a récolté des sommes 40% plus élevées que le Parti vert. Il a déjà annoncé des candidatures pour près de 40% des circonscriptions pendant que le NPD Québec n’en a que pour 25%.

Pourquoi donc est-ce que les maisons de sondage n’incluent pas le parti Citoyens au pouvoir lorsqu’elles évaluent les intentions de vote?

Notes